Transmission

Quand j’étais plus jeune, j’allais sur les chantiers archéologiques. Je passais des heures à balayer mon carré, à racler, gratter, nettoyer. L’objet, l’os déterré se dessèche à l’air libre et finit par se ternir. Dans le pire des cas, il s’effrite. Au delà des problèmes de conservation, c’est l’instant, le moment de l’objet-relais que je voudrais conserver. Sur un chantier, je me souviens d’avoir saisi un vase dans ma main, de l’avoir sorti de terre. “Mince entre la personne qui a laissé ce vase et moi, il y a 3000 années! 3000 années où plus personne n’a touché ce vase. Je suis la première à le retoucher”. Ce vase, c’était comme un relais entre l’homme du passé et moi. Lui et moi étions réunis dans le touché de l’objet et j’ai trouvé ce sentiment d’intemporalité extraordinaire.

Dés lors la question de la transmission  ne m’a plus quittée.

Je ne crois pas que ça soit un hasard si j’ai choisi une alliance de mariage dans laquelle deux mains se rejoignent.

Je ne crois pas non plus que ça soit un hasard si j’ai choisi un métier basé sur l’échange et la transmission de savoir

11/09/20

J’ai toujours gardé comme un touché-mémoire au creux de la main, la sensation que j’avais éprouvée un jour sur un chantier, en retirant un vase de la terre. J’ai chez moi quelques fragments de sigillée ramassée dans les champs et sur l’un d’eux une empreinte d’index du potier. 2020, Je rentre dans le Bazar, et voit comme un phare un vase briller sur l’étagère. Je le prends et dans mes mains, même sensation électrique de chaleur magnétique, comme un aimant. Sur le pied du vase, le potier a maladroitement tracé son nom. Je n’ai plus lâché le vase.

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